Enfant privé de liberté, quel avenir
Le « droit de jouir du meilleur état de santé possible qu’il soit physique ou mental » (article 24, 25 et 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant CIDE), constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, y compris ceux des enfants privés de liberté.
A ce titre l’article 08 du Code de l’Enfant togolais dit : L’intérêt supérieur de l’enfant s’impose dans toute action ou décision le concernant, qu’elle soit le fait des parents, des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs.
« L’intérêt supérieur de l’enfant doit être entendu comme tout ce qui est avantageux pour son bien-être mental, moral physique et matériel. »
Sur cette base on peut se dire que nous avons encore du chemin à faire pour les enfants togolais et surtout pour ceux qui sont détenus. Car dans de nombreuses prisons et unités de police de notre pays, les conditions de détention des enfants sont loin de contribuer à leur « rétablissement », à leur correction ».
L’Etat tout comme les organisations de protection de l’enfance ont l’impérieuse obligation de poursuivre leurs efforts pour éviter que la détention des enfants (ordonnée uniquement par décision de justice) ne soit pour eux une source de misère. Comme le disent les spécialistes du domaine, la prison c’est une <école du crime> surtout pour les enfants.
Alors il est important de travailler pour que si par nécessité juridique, un mineur devrait passer par la prison, que celle-ci ne soit pour lui le lieu de déchéance de ses droits.
De manière particulière, il faudrait veiller d’abord et avant tout à la santé des mineurs incarcérés. Ce qui n’est pas très souvent le cas dans les certains lieux de détention que nous visitons. Ensuite, il faudrait que ces enfants puissent avoir accès à des repas équilibrés. Il faudrait également veiller à ce que les mineurs en détention ne soient pas exposés aux violences (abus sexuels et violences physiques à leur encontre). Et en dernier ressort il faudrait s’assurer les enfants bénéficient d’une procédure judiciaire impartiale et adéquate.
Pour rappel, est considéré comme enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans (Code togolais de l’enfant 2007).
Ces différents aspects de la justice juvénile font partie d’un ensemble d’activités que mènent déjà certaines structures de protection dont CREUSET TOGO pour donner une nouvelle chance à ces enfants.
C’est ainsi que depuis janvier 2019 CREUSET TOGO et son partenaire Kindermissionswerk « Die Sternsinger » mettent en œuvre un projet abordant cette thématique.
Intitulé : « Projet de renforcement du système de protection et de création des espaces conviviaux en faveur des enfants en conflit avec la loi dans la région de la Kara du Togo », ce projet est une occasion qui a permis d’instaurer un environnement plus respectueux des droits de l’enfant et propice à leur épanouissement particulièrement dans la région de la Kara.
Après deux ans de mise en œuvre, les résultats suivants sont à noter:
• Environ 247enfants dont 74 filles privées de liberté, de la rue et en situation de risque ont été accompagnés et réinsérés dans différents milieux.
• 79 enfants dont 33 filles ont bénéficié d’une réinsertion scolaire.
07 enfants dont 5 filles sont accompagnés sur le plan professionnel.
Par les appuis apportés, il est observé une évolution dans l’amélioration des conditions de détention (quartier pour mineurs de la prison civile de Kara réhabilité et a servi à l’accueil de plusieurs enfants d’autres prisons pendant le début de la crise sanitaire de COVID 19)
• 100 acteurs étatiques, de la société civile, des médias, communautaires ont été outillés et ont amélioré leurs connaissances grâce aux renforcements de leurs capacités.
• Des voix de plus en plus nombreuses s’accordent aujourd’hui à reconnaitre que la détention des enfants ne devrait être envisagée que comme mesure de dernier recours.
Bien que de bons résultats soient enregistrés, il faut reconnaitre que beaucoup reste à faire pour asseoir une réelle justice réparatrice au Togo en faveur des enfants d’où la nécessité de mobilisation des ressources complémentaires à tous les niveaux.
C’est avec joie et fierté que les membres de CREUSET TOGO font le tour des établissements scolaires pour s’enquérir de la situation de ses protégés.
Et nous saisissons cette opportunité pour féliciter et encourager les travailleurs du domaine surtout dans la justice juvénile.
Parfois l’opinion appréhende difficilement les raisons de l’engagement des ONG/associations envers les enfants en contact avec la loi (autrefois dit enfant en conflit avec la loi). Mais de notre expérience sur le terrain depuis une dizaine d’année et en s’appuyant sur l’histoire, nous trouvons très capital le travail auprès des enfants vulnérable. Nous avons eu de bonnes raisons à plusieurs reprises de militer pour que les enfants sortent des prisons et nous avons eu l’agréable surprise de les voir réaliser leur rêve.
Ils sont nombreux à avoir retrouvé le chemin de la vie après un séjour en milieu carcéral. Si on les avait abandonnés là, surement aujourd’hui ils seraient de véritables dangers pour la société.
Ne baisons point les bras devant les difficultés, ne soyons point décourager par quelque échecs. Continuons le combat pour nos enfants.
Nous ne pourrions pas achever ce message sans une adresse particulière à ces partenaires qui nous ont toujours soutenu dans nos divers programmes à savoir Kinderrechte Afrika e. V. (KiRA) et Kindermissionswerk « Die Sternsinger » et aussi aux différentes parties prenantes notamment les Ministères de la Justice, de la Sécurité et de la Protection Civile, le Ministère de l’Action Sociale, de la Promotion de la Femme et de l’Alphabétisation pour leur franche collaboration et surtout les juges des enfants dans les différentes juridictions du pays.
Bruno MOUKPE
Directeur Exécutif de CREUSET TOGO