La problématique des Enfants Dits Sorciers (EDS) dans nos communautés.
Dans plusieurs pays africains la croyance en la sorcellerie se traduit par des accusations, des stigmatisations, des violences. Malgré la modernité, malgré l’adaptation de nos us et coutumes à l’ère contemporaine, la réalité quotidienne africaine demeure toujours empreinte de ces pratiques et considérations que l’on pourrait amené aujourd’hui à qualifier d’anachroniques.
la sorcellerie. Si le phénomène semble moins visible en milieu urbain, dans les campagnes et dans le monde rural, c’est un véritable problème de société. Et au Togo comme partout ailleurs en Afrique noir malgré les efforts d’éducation et de sensibilisation contre les risques que peut engendrer cette forme de croyance, la sorcellerie reste toujours au cœur de la vie des communautés.
Qu’entend-on par sorcellerie ? Dans nos pays, ce terme désigne généralement l’ensemble des croyances et pratiques occultes, mystiques dont la finalité est de parvenir à faire du mal à autrui. La sorcellerie peut donc être perçue comme une force immatérielle ayant pour objet de nuire à autrui. Ce qui n’est jamais appréciée dans une société. Être désigné comme « sorcier » impute à la personne accusée une capacité de nuire et l’assigne à une déchéance d’humanité. De l’espace villageois à l’espace urbain, de l’espace privé à l’espace public, les flambées de violences accusatrices ont un caractère quasi épidémiologique allant jusqu’à mettre en cause le fonctionnement de l’État et de ses institutions.
Ainsi toute personne soupçonné de pratiquer la sorcellerie est souvent mise au ban de la communauté à travers plusieurs formes de stigmatisation qui parfois peuvent conduire à la mort. A travers sa définition, on se rend compte que la sorcellerie relève d’un domaine qui dépasse notre monde du réel et du concret. On parle d’une croyance et qui parle de croyance parle de conviction donc des choses purement irrationnelles. Comment savoir réellement que tel individu est un sorcier ?
Sur quelles bases peut-on affirmé sans risque de se tromper qu’un tel a fait usage de magie et d’occultisme donc de sorcellerie ?
Ces interrogations pourtant simples, constituent le nœud d’un véritable problème qui plonge nos communautés africaines dans des violences inouïes.
Si le droit et la morale existent pour régir la conduite de l’homme en société et les rapports sociaux, force est de constater que les règles édictées ne couvrent pas encore et ce de façon stricte la sorcellerie. Bien que parfois certains pays aient été tenté de légiférer dans le domaine en faisant recours aux us et coutumes. Dans tous les cas la législation en la matière reste encore rudimentaire et au cœur du problème se trouve la bataille entre l’irrationalité et la rationalité, le manque voire l’absence de preuve.
Aujourd’hui le phénomène de la sorcellerie touche de plus en plus d’enfant. Les enfants dits Sorciers EDS constituent de plus en plus une couche vulnérable de notre société en raison du caractère mineur de l’enfant c’est la raison pour laquelle l’ONG Creuset Togo a décidé de mener des actions autour de ce phénomène. En abordant dans cette tribune ce thème, l’ONG espère rendre le débat public au sein de l’opinion publique togolaise pour qu’ensemble nous réfléchissions et que des solutions soient trouvées pour préserver notre pays des dangers que constituer cette croyance en la sorcellerie. D’ailleurs ce n’est pas seulement au Togo que le phénomène est en vogue. dans presque toute l’Afrique subsaharienne, de plus en plus d’enfants sont accusés de sorcellerie. Et selon un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) cette augmentation est due à l’urbanisation, à la pauvreté, aux conflits et à la fragmentation des communautés, et elle engendre une « multi-crise » pour des enfants déjà vulnérables. De nombreux enfants sont à risque, notamment les orphelins, les enfants des rues, les albinos, les enfants présentant un handicap physique ou une anomalie comme l’autisme, ceux qui possèdent un tempérament agressif ou solitaire, les enfants qui sont particulièrement doués, ceux qui sont nés prématurément ou dans une position inhabituelle, et les jumeaux.
D’après les chercheurs (et de nos propres expériences d’ONG sur le terrain), les enfants victimes de ces accusations finissent par se faire agresser, brûler, battre et parfois même tuer. Pour les exorciser, on force parfois les enfants à jeûner, on leur verse du pétrole dans les yeux ou les oreilles, on les bat ou on les oblige à avaler toutes sortes de substances. Bref soumis à des traitements inhumains et dégradants. Selon le rapport, de nombreux aveux sont arrachés sous la contrainte ou la violence.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser le phénomène des enfants dits sorciers est un phénomène récents et qui n’a aucun rapport avec la tradition africaine souligne ce rapport de l’UNICEF.
« D’après M. Theis, de l’UNICEF, l’augmentation des accusations semble partiellement associée au fardeau économique de plus en plus important que représente le fait d’élever des enfants, notamment à cause de l’urbanisation, de la séparation des familles et de l’affaiblissement des structures familiales, et elle est renforcée par l’émergence d’églises pentecôtistes ou d’églises du réveil dans nombre des pays affectés. Les interventions de pasteurs-prophètes profiteurs qui se disent capables d’identifier les sorciers et offrent des services d’exorcisme contribuent à la légitimation des accusations de sorcellerie. Lucratif, leur travail vient compléter celui des guérisseurs traditionnels, qui luttent eux aussi contre les forces malveillantes de « l’autre monde », indique le rapport.
Que faire pour sauver ces enfants qui en sont victimes ?
S’inscrivant dans une démarche rationnelle et légaliste qui fait de l’enfant un être à fragile à protéger, il convient de mettre en œuvre tous les moyens à disposition pour que la violence, la stigmatisation à l’encontre des enfants cessent et que les coupables soient sévèrement punis.
N’ayant pas la capacité de modifier ni les schèmes de représentations du monde par les populations, ni leur croyances aussi vielles que ce monde, les organisations peuvent néanmoins travailler à la sensibilisation contre les conséquences dévastatrices du phénomène dans une société.
Aussi les organisations de défense et de protection de droit des enfants œuvrent pour une législation stricte et efficace dans la répression de toute forme d’accusation à l’endroit des enfants dits sorciers.
Dans ses activités quotidiennes l’ONG ACJDEIP est confronté à des cas assez récurrents d’accusations sans preuve contre des mineurs.
La croyance en la sorcellerie est intellectuellement et moralement dangereuse, elle est un véritable danger pour le développement de nos communautés. Faisons tous un effort de sensibilisation autour de nous pour freiner l’expansion de ce phénomène. Les enfants c’est l’avenir même de notre société.