Les enfants ne sont pas des sorciers, protégeons les contres de fausses accusations.

X est un mineur, dans le souci de le protéger, nous avons choisis de le distinguer sous X sans aucune relation avec son identité réelle.

L’histoire de X se déroule dans une localité du Nord Togo.
Toute ressemblance avec une autre histoire ne sera donc qu’une pure coïncidence. L’important c’est de savoir que l’histoire de X n’est pas un conte autour du feu pour endormir les enfants. C’est la vie réelle telle que vécue par un mineur dans un village de notre pays, que nous vous présentons à travers ces lignes.
X est issue d’une fratrie de douze enfants. Son défunt père avait trois épouses. X est le onzième enfant issue de cette famille polygame.
La maman de X, la dernière épouse, a eu avec son mari deux enfants dont X l’ainé aujourd’hui âgé de 12 ans.
Tout allait pour le mieux pour le petit X jusqu’au jour où son papa a été rappelé à Dieu.
Il avait à l’époque 7 ans et passait en classe de CE2. L’enfant qui était brillant à l’école et faisait la fierté de sa maman et de son papa a dû brusquement interrompre sa scolarité suite aux accusations portées à son encontre par les coépouses de sa maman.
En effet après le décès du monsieur, la famille du défunt poussé sans doute par la jalousie de deux autres femmes ont entrepris des consultations occultes afin de trouver des explications à la mort « mystérieuses » de leur conjoint. Et selon les résultats de ces consultations c’est le petit X qui serait à l’origine du décès de son papa aidé dans cette œuvre maléfique par sa maman dont les mauvaises langues disent qu’elle est une grande sorcière.
Il n’en fallait pas plus pour organiser une véritable chasse aux sorcières contre X et sa maman au sein de la famille et même dans le village.
Devenu l’objet de raillerie et d’insultes, la maman qui portait encore dans ses bras son deuxième enfant qu’elle a eu avec le défunt a dû fuir le village pour éviter ce sort qui est généralement réservé à toute personne accusé de sorcellerie : la mise au ban de la communauté.
Mais malheureusement elle n’est pas parvenue à quitter le village avec son premier fils, X.
Ce dernier sans protection, sans aucun support était obligé de subir quotidiennement les souffrances aussi bien physiques que psychologique que lui infligeaient et ses deux marâtres et ses propres demi-frères. Ainsi on le traitait comme un malfaiteur, un enfant habité par le diable qui risque d’anéantir toute la famille puisqu’étant déjà accusé comme étant à l’origine du décès de son papa.
Pour éviter que le malheur ne s’abatte alors sur le reste de la famille, il a été décidé de conduire le jeune X chez un charlatan de la localité avec pour objectif d’être délivré de ses esprits maléfiques.
X va donc passé plus de trois ans chez ce charlatan qui n’avait comme méthode d’exorcisme que des coups de fouet.
Le matin, dès que les premiers rayons du soleil apparaissaient X était sorti de sa cage où il était gardé comme un animal pour être attaché à un arbre attendant la venue des maîtres des lieux pour subir ses séances quotidiennes d’exorcismes. Pendant plus de trois ans donc, cet enfant d’à peine 12 ans a été l’objet de toutes formes de maltraitance de la part de ce sorcier guérisseur ceci dans l’indifférence totale de ses marâtres qui avaient ainsi trouvé le moyen idéal pour se débarrasser de lui.
Inutile de vous dire que durant les trois ans X n’avait plus mis pied à l’école. D’ailleurs qui en voudrait d’un enfant réputé être un sorcier puisque son histoire, son passé de redoutable sorcier est parvenue à toute la communauté même celles avoisinantes ? X a donc été déscolarisé non seulement par le fait que le charlatan ne lui donnait pas l’occasion d’aller en classe mais aussi parce que les enseignants et autres instituteurs n’en voulaient point d’un enfant dit sorcier dans leur classe. X qui était pourtant un enfant assidu à l’école du vivant de son papa, lui qui avait réussi avec brio les classes élémentaires a été contraint par la méchanceté de l’homme et par cette accusation fortuite, à devenir une paria.
N’est-ce pas ces résultats scolaires éclatants qui suscitaient des interrogations autour de lui suite à la mort de son papa ? Puisque généralement dans la conscience collective du milieu (et dans beaucoup de communauté villageoise) tout enfant qui réussit très brillamment à l’école, tout enfant qui occupe les premiers rangs à l’école est généralement guidé par des génies !
L’état moribond et critique dans lequel se trouvait le petit X chez ce charlatan après environ trois ans d’exorcisme, état de santé qui le conduisait à petit coup à la mort interpela certaines personnes qui très indignées par ce triste sort, ont pris sur eux d’attirer l’attention du Chef canton de la localité et les services sociaux du milieu sur le drame qui risquait d’arriver si rien n’était fait pour sortir le mineur X des griffes de ce prétendu charlatan.
Ainsi l’ONG Creuset Togo très active dans le milieu sur la thématique liée à la protection de l’enfance et surtout des enfants accusés injustement de sorcellerie a été saisi du cas. Nous sommes en 2013 plus précisément au cours du mois de juillet.
Dans un état méconnaissable l’enfant avait besoin d’un suivi médical et psychologique d’urgence. Les moyens rapidement mis en œuvre, le drame a été évité et X a recouvré sa santé, du moins sur le plan physique. Admis au centre de transit de Creuset à Sokodé, X le prétendu sorcier redouté par sa famille et ses proches a émerveillé les animateurs et les responsables compte tenu de son évolution.
L’enfant dont on disait qu’il était habité par les génies et qu’il apporterait des malheurs a passé plus de 20 mois dans le centre de transit de Creuset Togo sans aucun problème ni avec les autres mineurs ni avec les animateurs.
A Sokodé, il a repris les classes tout en étant au centre de transit. IL a réussi sans problème ses examens de fin d’année de la classe de CE2 et CM1.

Jugé psychologiquement stable, des démarches ont été engagées pour amorcer sa réintégration familiale. Un travail de fond a été mené auprès de celle-ci pour qu’elle accepte laissé tomber ces préjugés et ces fausses accusations et accepté que l’enfant puisse regagner le domicile et reprendre sa scolarité. Après avoir essuyé plusieurs rejets, la proposition de réintégration a été acceptée par la famille. Ce n’était qu’une première manche car le reste des difficultés étaient devant.
Ayant été pendant longtemps accusé comme étant un enfant sorcier, toute la communauté connaissait son histoire et même les enseignants croyaient que le petit était réellement hanté par des démons.
Du coup les démarches auprès de l’établissement scolaire du village ont été très difficiles pas parce que X ne voulait pas reprendre le chemin des classes mais parce que ses enseignants s’opposaient à toute idée qu’un tel enfant intègre leur classe.
Il a fallu l’intervention personnelle du Chef Canton et même du conseiller pédagogique afin que les instituteurs acceptent de reprendre l’élève.

Nous étions ainsi en décembre 2014, quand X réintégrait la classe de CM2 qu’il avait entamé à Sokodé. L’équipe de Creuset Togo ne nourrissait pas beaucoup d’espoir quant aux résultats scolaires du jeune garçon surtout qu’il devait quitter son école à Sokodé et regagné celle de son village où il était« détesté ».
Mais c’était la surprise totale à la fin d’année 2014/2015. X a réussi avec mention très bien à son examen de CEPD. Premier de son établissement scolaire qui a présenté environ deux cent candidats à cet examen.
Au sein du corps enseignant, c’était la surprise et la joie. L’enfant qu’il ne voulait dans leur classe est devenu une référence en termes de réussite scolaire. La moyenne obtenue au CEPD par X est l’une des plus élevée de l’établissement depuis sa création. Une vraie satisfaction pour toute l’équipe de Creuset Togo qui voit ainsi ses efforts couronnés de succès.
L’année prochaine, X fera la classe de 6ème dans un collège du milieu.